Dossier «L'Affaire du RER D» — Le Monde | ![]() | ![]() |
Il y aura un référendum sur la Constitution européenne. Le président a annoncé la tenue d'une référendum "dans la deuxième partie de l'année prochaine" sur la Constitution européenne, lors de son intervention télévisée mercredi à l'occasion du 14 Juillet. "Ce texte est un bon texte", a déclaré Jacques Chirac : après la signature de tous les chefs d'Etat en octobre à Rome, il a annoncé un "référendum" pour "adapter notre Constitution aux principales obligations" de cette nouvelle Constitution européenne. "C'est un problème qui intéresse tous les Français", a ajouté M. Chirac en annonçant qu'il avait fait le choix du référendum, car "ce sera une très bonne occasion de voir si on a donné une petite impulsion à notre respect du dialogue et non pas à notre culture d'affrontement". "J'espère que les Français comprendront qu'on leur pose une question essentielle pour leur proche avenir", a-t-il ajouté "et surtout pour celui de leurs enfants". "J'ai confiance dans les Français", a assuré M. Chirac, "dans leur aptitude à s'associer à un vrai débat sur leur avenir (..) si les hommes politiques ne le polluent pas". Ce texte "dont la totalité a été adoptée par le Conseil européen" est "une grande affaire", car "l'Europe élargie est la seule garantie de paix et de démocratie", a-t-il ajouté. M. Chirac fera "bien entendu" campagne. Enfin, le président a rendu hommage au "travail remarquable" mené "sous l'impulsion décisive de Valéry Giscard d'Estaing" qui aura "bien mérité de l'Europe de demain".
"Trois ans pour confirmer l'essai". "Pendant deux ans, a plaidé le président de la République après les échecs électoraux de la majorité au printemps, nous avons remis la France sur les rails en réhabilitant l'Etat, (...) en engageant des réformes indispensables trop longtemps différées (...) et en mettant en œuvre une politique de relance de la croissance pour le moment où elle viendrait, ce qui est le cas."
"Maintenant nous avons effectivement trois ans pour confirmer l'essai", a-t-il poursuivi. "Il faut d'abord relancer la croissance et faire en sorte qu'elle profite à tous (...), restaurer la valeur du travail, de la responsabilité, du mérite dans notre société et renforcer (la) cohésion sociale, (...) donner à la France pendant cette période les atouts nécessaires pour préparer l'avenir, donner la priorité à ce qui conditionnera notre avenir - l'éducation, la formation, l'innovation, la recherche -, (...) et faire le pari de l'Europe", a-t-il détaillé.
"Il y a un grand chantier de réforme qui est l'éducation nationale, nous avons besoin de l'adapter", a précisé le président. "Par-dessus tout, nous avons un vrai problème, qui est d'adapter l'Etat à ses responsabilités de demain", a-t-il ajouté.
Priorité à la "cohésion sociale". Interrogé sur l'ambition gouvernementale de renforcer la "cohésion sociale", M. Chirac a estimé que "depuis quinze ans, la cohésion sociale en France s'est affaiblie. Pendant toute cette période, il y a eu des périodes de richesse nationale, de croissance importante, d'autres de moindre croissance, mais toujours nos dépenses sociales ont augmenté. Ce qui conduit la France aujourd'hui à un certain malaise".
"Il y a un nombre croissant de Français qui se sentent abandonnés et il y a un nombre croissant de Français qui travaillent, qui travaillent souvent beaucoup, (...) qui ont le sentiment de payer toujours plus pour des gens qui ne travaillent pas. Tout cela crée des ambiguïtés malsaines", a-t-il estimé.
"C'est la raison pour laquelle il faut aujourd'hui y remédier", a-t-il poursuivi, jugeant nécessaire un changement de "méthode" dans l'approche des problèmes sociaux : pour M. Chirac, l'essentiel est de "réhabiliter le travail, la responsabilité, le mérite dans notre société".
Selon lui, aux côtés des "droits qu'exige la solidarité", il faut mettre en avant "les devoirs qu'on a parfois oubliés". Evoquant la "notion de contrat", le président a estimé qu'"on ne peut pas accepter qu'un chômeur refuse éternellement un emploi". Il ne "faut pas se contenter d'une politique de guichet" pour des "compatriotes qui sont en quelque sorte désocialisés", mais "il faut une politique d'accompagnement, il faut tendre la main aux gens" et "faire un effort considérable en matière de logement", a estimé M. Chirac.
Pour de "nouveaux assouplissements" des 35 heures. Jugeant la loi "autoritaire et uniforme", le chef de l'Etat a estimé que les lois Fillon, qui ont déjà permis un assouplissement du texte sur la réduction du temps de travail, commençaient "à avoir un effet positif". Mais, a-t-il ajouté, "on peut toujours faire mieux", même si "la durée légale du travail restera de 35 heures".
"Je demande au gouvernement d'engager avec les partenaires sociaux les concertations nécessaires sur cette affaire des 35 heures dans le respect de trois principes", a annoncé le chef de l'Etat. Le premier de ces principes est que "la durée légale du travail est et restera de 35 heures", a-t-il affirmé. "Le deuxième principe, c'est qu'il faut plus de liberté pour les travailleurs, et notamment pour ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus, et plus de liberté pour les entreprises afin de mieux s'adapter au marché et au développement", a-t-il poursuivi. Enfin, "il faut qu'il y ait de nouveaux assouplissements qui doivent être négociés au niveau de l'entreprise dans le cadre des limites de la loi et des accords de branches", a-t-il précisé.
Interrogé sur les entreprises qui menacent de délocaliser si leurs salariés n'acceptent pas un allongement de la durée du travail, à l'image de Bosch-Vénissieux, il a estimé que "c'est une pente glissante sur laquelle il ne faut pas se laisser entraîner" et qui "pourrait avoir des conséquences de remise en cause des acquis sociaux", et qu'il "faut renforcer le dialogue".
Pas de "différend" budgétaire sur la défense. Le président a jugé que cette polémique était "inspirée par des raisons de politique avec un petit p". Jacques Chirac a affirmé qu'aucun "différend" budgétaire ne l'opposait à Nicolas Sarkozy. "Il n'y a pas de différend entre le ministre des finances et moi, pour une raison simple. S'agissant de la défense, je décide et il exécute", a déclaré le chef de l'Etat. "Je prends mes décisions en fonction de ce que j'estime être l'intérêt général", a-t-il souligné, en rappelant la nécessité de maintenir le budget de la défense, en raison notamment des menaces terroristes.
"Pause" dans la baisse de l'impôt sur le revenu. Selon M. Chirac, "la part du revenu des Français ponctionnée par l'Etat est excessive". Pour lui, la "baisse des charges" (...) "est la priorité" mais, compte tenu de moyens budgétaires limités, celle-ci "imposera une pause d'un an dans la baisse de l'impôt sur le revenu cette année".
"Aujourd'hui, la croissance repart, a ajouté M. Chirac. Je note que ça repart en France, moins que dans certains pays du monde, mais plus que dans la moyenne européenne." Le président s'est dit favorable à une réforme du pacte européen de stabilité et de croissance, jugeant ses règles "brutales".
Critique de la politique de la BCE. Jacques Chirac a implicitement critiqué l'action de Jean-Claude Trichet à la tête de la Banque centrale européenne (BCE), en vantant "l'éminente impulsion" d'Alan Greenspan, président de la Réserve fédérale américaine. "La BCE ne peut pas avoir comme seul et unique objectif la stabilité des prix. C'est une exigence (...) mais il y aussi la croissance et la gestion des finances publiques européennes en fonction de la croissance", a déclaré le chef de l'Etat. "Il est tout de même frappant de constater la différence entre notre gestion et celle des Etats-Unis sous l'éminente impulsion de M. Greenspan", a-t-il poursuivi. Le président de la Fed "n'hésite pas à prendre les mesures qui s'imposent pour relancer l'économie quand elle en a besoin y compris par le déficit budgétaire", a-t-il poursuivi, notant que "la Banque centrale européenne (n'était) pas du tout dans cet état d'esprit". "On lui a donné une autre mission, elle applique sa mission mais tout ça mérite d'être rééxaminé", a souligné le président.
Soutien à la réforme de l'assurance-maladie. Jacques Chirac a salué la réforme de l'assurance-maladie, en cours d'examen à l'Assemblée nationale, comme "une bonne réforme" qui est "une réponse à long terme" et "pas un énième plan de redressement". Le président de la République a salué le travail du ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy, qui "a fait une bonne réforme et l'a bien conduite". La caractéristique de cette réforme "n'est pas de répondre à un problème immédiat mais de modifier les comportements", a-t-il expliqué, insistant sur la "mise en responsabilité des acteurs : malades, partenaires sociaux, caisses, système de santé..." "Et puis il y a la modification du comportement des malades et des médecins : le dossier médical personnalisé, c'est quelque chose de considérable, de même que le parcours de soin (...) ça permet de mettre en oeuvre la 'chasse au gaspi', qui était considérable, mais ça permet également d'avoir une meilleure santé", a-t-il fait valoir. "C'est aussi la responsabilisation de chacun. Il est normal que chacun fasse un geste quand il va chez le médecin, d'où l'idée d'un euro, qui ne devra pas être augmenté, mais qui est un geste de participation et de responsabilité", a-t-il ajouté.
Appui à Jean-Pierre Raffarin malgré ses difficultés. Le président a déclaré qu'il entendait que le premier ministre "soit respecté" et qu'il est "aujourd'hui le mieux à même de conduire l'action gouvernementale". "Jean-Pierre Raffarin est le mieux à même de conduire l'action gouvernementale, a-t-il affirmé, j'entends qu'il soit respecté au sein du gouvernement". Pour M. Chirac, "il lui appartient de diriger le gouvernement et il aura tout (son) appui dans l'autorité nécessaire pour avoir un gouvernement qui ne tire pas à hue et à dia". M. Chirac a encore ajouté : "Je ne laisserai pas les ambitions ou les calculs des uns ou des autres, ici ou là, venir perturber l'action des trois années à venir." Interrogé sur les élections sénatoriales où le premier ministre pourrait être candidat, M. Chirac a lancé : "C'est son problème."
Mise en garde envers Nicolas Sarkozy. "Je n'ai pas de problèmes de relations avec Nicolas Sarkozy, pas plus qu'avec aucun des membres du gouvernement", a affirmé le chef de l'Etat. "Personne n'est obligé d'être ministre, a toutefois menacé le président. J'attends de chaque ministre qu'il applique sa part de la feuille de route. (...) Pour moi, l'action gouvernementale est fondée sur deux principes : la collégialité et les bons rapports avec le Parlement et, deuxième principe, la solidarité." "Je n'ai pas l'intention d'accepter des mises en cause de ces principes, a-t-il ajouté, qui sont à la base même de l'action gouvernementale."
Le président a rappelé que si l'un de ses ministres était élu président de l'UMP, "il démissionnera immédiatement ou je le démissionnerai".
Pas de "regret" concernant l'affaire du RER. "C'est une affaire regrettable à tous égards, mais je ne regrette pas (d'être intervenu à ce sujet)", a lancé le chef de l'Etat. Il a jugé que la France vivait "une période où, incontestablement", les manifestations d'ordre raciste sont en hausse. "C'est inacceptable, c'est le contraire même du pacte social, de la morale telle que nous y sommes attachés. Il faut vigilance et mobilisation", a affirmé Jacques Chirac.
"Renforcer l'intégration". "Tous les Français sont égaux en droits et tous doivent respecter la loi, par conséquent nous rejetons toute forme de communautarisme, (...) mais il faut bien reconnaître que depuis un certain nombre d'années, la politique d'intégration qui avait bien marché, notamment grâce à l'école, a été débordée et que nous sommes dans une situation où l'intégration ne marche pas bien. Il y a une impérieuse nécessité de renforcer l'intégration", a déclaré le président.
M. Chirac a souhaité une "revalorisation" de l'éducation civique, qui devra être inscrite dans la future loi d'orientation sur l'éducation devant être élaborée à la rentrée. "Parmi les premiers principes, je demande qu'il y ait une revalorisation de l'instruction civique", a déclaré le président, qui estime que le problème du racisme et de l'antisémitisme doit se traiter "d'abord et avant tout à la racine, à l'école". Il faut expliquer aux enfants qu'ils sont "tous égaux en droits et en devoirs, et qu'ils doivent tous se respecter", a-t-il ajouté.
Hostilité au mariage homosexuel mais amélioration du pacs. Jacques Chirac a réaffirmé son hostilité au mariage homosexuel, dénonçant "une parodie de mariage". "A l'expérience, il apparaît que le pacs pourrait être amélioré, et je souhaite qu'on l'améliore, de façon à ce que les droits et devoirs des personnes de même sexe qui vivent ensemble, qui ont fait le choix de vivre ensemble, soient respectés, au même titre que ceux des autres", a déclaré le chef de l'Etat. "Cela ne doit pas nous conduire à une parodie de mariage", a-t-il ajouté.
Pour des "aménagements" dans le système judiciaire. Jacques Chirac a souhaité des "aménagements" dans le système judiciaire, notamment la mobilisation de deux juges d'instruction pour les dossiers "difficiles", afin d'éviter des dysfonctionnements "inadmissibles" comme ceux du procès pour pédophilie d'Outreau. "Que des gens aient été incarcérés pour être finalement reconnus non coupables, c'est inadmissible", a-t-il souligné. "Au niveau des droits de l'homme, c'est profondément choquant. C'est la destruction même d'êtres humains", a estimé Jacques Chirac. "On leur doit une réhabilitation, y compris matérielle, importante. La justice, si elle a fait des erreurs, doit payer elle-même, et cher", a-t-il jugé.
S'agissant du fonctionnement global de la justice, le président de la République a estimé qu'"il y a des aménagements à faire sans aucun doute", sur la base de propositions que Dominique Perben, ministre de la justice, a été chargé de formuler au gouvernement. Le chef de l'Etat a jugé que "nous avons tendance en France à abuser de la détention provisoire". "Elle est excessive et peut-être dangereuse", a-t-il dit.
Etre plus à l'écoute des Français. Le président a indiqué qu'il allait "tenir compte" de l'opinion des Français à son égard s'ils ont le sentiment qu'il est moins à leur écoute, sans toutefois négliger son rôle à l'extérieur du pays. Interrogé sur l'impression qu'auraient les Français que le président est moins à leur écoute, M. Chirac a répondu qu'il n'en avait "pas le sentiment". "Je suis sensible au contact avec mes concitoyens, j'y attache un grand prix (...) et pourtant, ce que vous dites est vrai, donc si les Français le pensent ils ont probablement raison, et bien je vais en tenir compte", a toutefois jugé le chef de l'Etat. "Je n'aurai pas à me forcer beaucoup, je vais leur parler davantage puisqu'ils le souhaitent", a-t-il ajouté. Selon un sondage CSA publié mardi dans La Croix, 52 % des Français estiment que Jacques Chirac n'est pas à leur écoute alors que 43 % pensent le contraire et que 5 % ne se prononcent pas.
Lemonde.fr, avec AFP et Reuters